La bonne approche
A la veille de la période « morte », la nature nous rappelle qu’elle excelle et se sublime au fil des saisons. Comme une sorte de balai ancestral, on peut y admirer des frondaisons tantôt jaunâtres, tantôt rougeâtres. Les feuilles se déhanchent une à une des peupliers, chênes, bouleaux, châtaigniers, cyprès ou autres pinacées se laissant balayer par ces brises automnales si agréables. Si la nature s’endort peu à peu, ce n’est heureusement pas encore le cas des carpes.
Pour tous les pêcheurs de carpes un peu expérimentés, il y a toujours eu deux saisons prédominantes en terme de rendement et d’efficacité. L’automne et le printemps. C’est ainsi fait, il faut des règles et pour ces deux dernières, la nature a su nous les imposer depuis belle lurette. Malheureusement l’adage « rien ne change à part les saisons » n’est plus forcément d’actualité ces dernières années. Des hivers doux (hormis celui de 2008/2009), des printemps précoces, des étés balbutiés par de régulières dépressions, et des hivers bien moins rudes que par le passé. Le réchauffement de la planète est bien en marche, et comme pour la race humaine, tous les êtres vivants sont obligés de s’adapter. En ce qui concerne les biotopes, c’est le chamboulement total. Les herbiers envahissants ne disparaissent plus avec les grands froids de l’hiver, mais réapparaissent encore plus denses dès les premiers réchauffements du printemps. Du coup, on se retrouve avec une nourriture naturelle omniprésente tout au long de l’année. D’ailleurs, je pense que la multiplication des captures de gros poissons ainsi que les taux de grossissement incroyable observés chez certains sujets connus, prouve que les poissons s’alimentent désormais continuellement, ou du moins que les périodes de léthargie sont bien moins longues. Il y a de cela 10 ou 15 ans, les mois de Décembre, Janvier et Février étaient vraiment des mois où pour prendre une carpe, quelque soit sa taille, il fallait être courageux et se lever de bonne heure. 15 ans plus tard, il arrive couramment qu’a la mi-décembre, il fasse encore très doux et parfois mi Février, on commence déjà à se dévêtir. Les automnes sont donc désormais très longs, et il nous est possible de trouver des carpes bien actives jusqu'à très tard dans l’année. Personnellement, j’adore cette période de l’année et plus particulièrement la fin de l’automne, car c’est souvent à ce moment précis, avec les périodes d’avant fraie, que les poissons sont à leur poids optimal. L’engraissage précédant les périodes de froid intense est donc moindre depuis quelques années et cette « boulimie » s’étale donc sur plusieurs semaines.
La saison des ALT
Le bouleversement qu’opère la nature avec les chutes de températures progressives se ressent également sous l’eau. Les invertébrés, les herbiers, et toute vie subaquatique quel qu’elle soit se raréfie et les carpes ressentent bien évidemment ces grands changements. Elles savent très bien que dans peu de temps, la nourriture naturelle sera moindre et que la température de l’eau ralentira la vie, leur vie. C’est donc à ces moments qu’il est intéressant d’entretenir des postes sur le long terme afin de conditionner des poissons s’alimentant sur des zones précises, et de trouver une source de nourriture facile et riche. Connaitre les zones de tenues hivernales des poissons est un réel avantage, car en les interceptant aux portes de l’hiver, il sera possible de faire de grosses pêches. Ces zones sont souvent des fosses proches de hauts fonds prenant le soleil rapidement en hiver. Les grands hauts fonds de rivières et fleuves bien exposés au soleil sont souvent les endroits propices pour les grosses pêches d’automne. On y trouve toujours de la nourriture rabattue et échouée par les vagues des tankers et autres bateaux. Les carpes ne s’y trompent pas, et visitent très généreusement, souvent en troupeau d’ailleurs, ces grands bancs de sables. Pêcher intelligemment ces zones en positionnant ses cannes en interception tout autour de ces montagnes, rapporte souvent très gros à cette période. En automne, peu à peu, le froid va prendre le dessus et les carpes vont avoir besoin de faire leur réserve. Il est donc certain que les périodes d’alimentation vont être plus longues que lors de l’été ou l’hiver. C’est donc statistique, plus les carpes s’alimentent longtemps plus vous avez de chance d’en attraper. C’est un peu comme avant et après la fraie, ce sont les meilleures périodes de l’année. Si vous vivez en couple, misez donc votre crédit pêche sur cette période et consacrez la période estivale qui est moins intéressante à vous faire bronzer la pilule avec madame ! L’arrière saison est souvent celle où les longues sessions et les gros amorçages paient. Programmez donc vos sessions en grands lacs en fleuves ou autres. A cette époque les niveaux sont souvent plus stables qu’en début de saison où la moindre fonte des neiges ou pluie peut devenir un cauchemar.
La saison des fishmeals
Comme cité précédemment, les carpes vont à un moment ou un autre faire leur réserve. Dans ce cas précis, il ne sera pas imaginable d’attraper régulièrement des mouches avec du vinaigre, comme le dit l’expression. Des protéines, des protéines et encore des protéines, voila sur quoi il faudra miser. Les carpes ont l’habitude de se gaver, d’invertébrés, d’écrevisses, de mollusques, de limnées, de dreissènes etc.… Une alimentation à forte consonance carnée. Cette nourriture est celle qui sera privilégiée lors des gros gavages pré hivernaux. Les appâts à tendance carnée auront donc ma préférence car ce sont eux qui seront le plus proche de cette manne dont raffolent les carpes. Je préfère donc les farines et extraits de poissons et de crustacés qui sont pour la plupart riches en protéines et acides aminés. Ils sont également très assimilable, et comme je suis persuadé que les carpes savent très bien ce qui est bon ou mauvais pour leur santé, je suis sûr de pêcher avec un bon appât. L’avantage d’utiliser des proportions conséquentes de farine de poissons, est qu’elles sont dans la majorité des cas (les farines) toutes solubles. Si le reste de votre mix est intelligemment réalisé afin de ne pas bloquer la diffusion mais au contraire de mettre en avant le goût et l’attractivité de ces farines, vous vous retrouverez avec un appât « semi soluble » extrêmement intéressant à cette saison et ceci tout particulièrement en eaux courantes ou brassées.
Les fleuves, rivières et canaux , de part leurs eaux courantes ont cette particularité et cet avantage, de jouer en faveur des attractants composant nos appâts. Ce courant permet de véhiculer l’ensemble des messages chimiques olfactifs que dégagent nos esches. Les appâts semi soluble utilisés dans ce type d’eau permettent alors d’en tirer leur meilleur parti. Lorsque qu’ils libèreront progressivement leurs attractants, ces derniers se propageront dans toutes les couches d’eau et se laisseront guider par les eaux tumultueuses de la rivière. Les poissons pourront alors percevoir et dénicher vos appâts de très loin. Dans le cas de micro sessions ou de pêche de quelques heures que j’affectionne tout particulièrement, pour avoir quelques trésors halieutiques proche de mon domicile, j’emploie très souvent ce genre de produits qui dès son immersion diffusent et travaillent en notre faveur. Sachant que le but étant de séduire un poisson le plus rapidement possible, nous ne pouvons dépendre d’une stratégie statique et d’attente. Dans ce cas si notre logistique, notre approche (souvent mobile), et nos appâts sont adaptés à nos ambitions, les chances de réussite augmentent considérablement. Le seul défaut de ce genre de produits est qu’ils ne sont malheureusement pas très sélectifs et que brèmes, barbeaux, chevesnes, silures and Co en raffolent. Une solution un peu moins couteuse qui permet de garder un appât très attractif et soluble est de pêcher et d’amorcer avec de très gros pellets de pisciculture. Ces appâts sont de véritables aimants à carpes et leur composition est également très grasse et riche et convient donc bien aux gros amorçages d’arrière saison. En effet ces aliments ne sont à la base que des matières premières broyées selon un procédé de cuisson/extrusion à très haute température. De là sont issus des granulés de différentes tailles qui sont étalés pour être refroidis et séchés avant d’être enrobés d’huile.
Ces aliments destinés a l’alimentation de poissons d’élevage tels que les truites, les saumons, les turbots, les loups, les daurades etc.…sont très appétant et présentent une très bonne digestibilité grâce à l’apport des acides non gras saturés (n-3 et n-6).
Tous ces aliments contiennent entre autres de l’éthoxiquine qui n’est autre qu’un conservateur utilisé et autorisé uniquement dans l’alimentation animale. Cet anti oxydant capte l’oxygène et empêche le rancissement des graisses ce qui confère une durée de vie considérable aux pellets. De plus ces granulés, une fois compressés ne contiennent guère plus de 10 pour cent d’eau, ce qui diminue considérablement les risques de moisissure. Tous ces granulés sont à la base créés et développés pour obtenir une croissance et un développement optimal des poissons en condition d’élevage.
Dans certains plans d’eau, comme certains petits étangs privés, les poissons sont constamment amorcés avec ce type d’aliments et parfois même « engraissés » pendant la saison froide afin de maintenir une activité alimentaire minimale et d’exploiter au maximum leur potentiel de grossissement. Une réflexion inquiétante pourrait d’ailleurs naître de l’introduction massive de ces granulés dans certaines eaux closes de petites superficies. Sur le long terme (plusieurs années), un phénomène d’eutrophisation pourrait bien voir le jour mais là n’est pas le sujet. Les esches semi solubles composent une piste non négligeable qui peut parfois rapporter gros, et qu’il serait dommage de ne pas exploiter à quelques occasions bien particulières comme celle de l’automne. Si les carpes sont actives aux portes de l’hiver des quantités importantes seront parfois nécessaires pour nourrir des grands bancs de carpes en migration vers des tenues hivernales.
La nature au rendez vous
Outre l’aspect pêche, il faut également prendre en compte qu’à cette saison il fait vraiment bon vivre au bord de l’eau. On apprécie bien grandement le café avec une petite fraicheur matinale plutôt qu’avec un 25 degrés estival. Le spectacle d’une nature changeante est également magnifique et quand les couleurs orangées se mêlent au coucher de soleil rougeâtre, c’est un ravissement oculaire que l’on délecte et partage avec le plus grand plaisir.
On pourrait dire qu’un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne : ces feuilles qui tombent, ces fleurs qui se fanent, ces nuages qui fuient comme des illusions, ces lumières qui s'affaiblissent, ce soleil qui se refroidit, ainsi que ces fleuves qui se glacent en charriant des massifs d’herbiers permettent d’affirmer sans ambigüité que l’automne a vraiment du caractère.