la carpe en été

Bien aborder la saison des chaleurs


Par Bruno Medou


La saison estivale est sûrement la plus agréable des saisons pour le pêcheur, le temps souvent clément permet de profiter au mieux de sa passion, d’en faire découvrir les subtilités aux amis et à la famille mais également de se mélanger à une nature totalement épanouie. Cependant les températures extrêmes qu’elles soient d’ailleurs sibériennes ou sahariennes influent considérablement sur la pêche et le comportement des poissons. Les grosses chaleurs ne sont donc pas forcément propices à de gros cartons. Quoique !!!


J’ai longuement entendu et/ou lu dans la presse spécialisée, qu’après l’hiver la saison la plus compliquée à aborder est bien souvent celle de l’été. Cependant je pense que depuis quelques années les choses ont bien évolué. Il y a de cela 20 ans, lorsque je débutais la pêche aux techniques modernes, je me rappelle encore de ces carpes « tanquées » à fleur d’eau, sous les branches, pendant deux mois. Les étés étaient alors bien souvent caniculaires et je préférais alors, aller me faire dorer la pilule, et profiter des vagues énormes de mon bien-aimé océan atlantique, que de cuire sur mon bed en attendant une hypothétique touche.. A cette époque, ces carpes immobiles étaient qualifiées d’imprenables et il n’y avait alors que les 2 ou 3 heures les plus fraîches de la nuit qui étaient susceptibles de nous rapporter un poisson. Les nuits en T-shirt, à la belle étoile, s’étalaient sur les deux longs mois d’été et cette période était alors bien compliquée d’approche. Mais qu’en-est il aujourd’hui à l’heure où tout le monde s’inquiète du réchauffement climatique qui est en train de se produire.

En effet si l’on suit le constat des scientifiques cela devrait aller de pire en pire avec un réchauffement conséquent et des températures en hausse sur tout le pays. Il est d’ailleurs même prouvé qu’en 2100 la France aura, sur la moitié de son territoire un climat méditerranéen !! Rien de bien rassurant concernant notre passion quand on connaît l’attitude adoptée par les carpes lorsque l’eau est trop chaude et que le taux d’oxygène présent y est moindre. Alors qu’attendre de mieux en terme de pêche sachant que d’après les prévisions, rien ne devrait s’arranger côté climat ? Et bien force est de constater que si cette tendance se maintient les phénomènes climatiques extrêmes devraient se multiplier. C’est d’ailleurs ce que l’on observe déjà. Inondations, cyclones, températures records, montée de la mer, fonte des glaciers, canicule, sécheresse etc….

Nous connaissons tous les réactions des carpes face à ce genre de dépression. Qui n’a jamais fait un gros carton après un gros orage d’été ? Une belle pêche dans ses pieds avec un gros vent de face ? Une série de touches de folie face à une soudaine montée des eaux en fleuve en plein mois d’Août ? etc.… Et bien voilà ce qui est devenu monnaie courante depuis quelques années grâce à cette multitude de dépressions que nous avons chaque saison chaude. Personnellement je n’ai pas le privilège et la chance de crécher dans un département du sud de la France mais je pense tout de même que ces phénomènes se ressentent de plus en plus sur une grande partie du territoire.

Il y a donc plusieurs options pour le pêcheur de carpes désireux de s’adonner à sa passion en pleine saison estivale. Guetter minutieusement la météo en attendant la dépression attendue pour sortir les gaules ou encore choisir son lieu de pêche afin de pouvoir pêcher non stop intelligemment tout l’été.

Ou pêcher ?

Personnellement je ne peux me résoudre à attendre les conditions climatiques idéales pour sortir les cannes. Je suis bien trop addict pour cela et je suis donc toujours à la recherche de poissons actifs quelles que soient les conditions météorologiques. A la belle saison je choisis donc mes terrains de jeu en fonction principalement de la qualité d’eau. Exit les petits lacs et étangs peu profonds où l’eau devient vite de la soupe( ?) lorsque les périodes caniculaires sévissent. Dans ces lieux on retrouve très souvent des carpes amorphes, la bouche hors de l’eau à la recherche d’un peu de fraîcheur. Quotidiennement on les retrouve scotchées à l’ombre sous des branches attendant les heures nocturnes les plus tardives pour enfin aller vaguer ici et là, mais dans la plupart des cas en se nourrissant très peu. Quoi de plus frustrant que d’apercevoir de beaux sujets, sous les branches, sous nos yeux, sans pouvoir les capturer. Le facteur le plus important lorsque le soleil plombe l’ambiance est de trouver des eaux suffisamment oxygénées pour que les poissons ne soient pas en asphyxie partielle. Si vous désirez pêcher en lac ou étang je vous conseille vivement les gravières et sablières profondes où l’herbe est omniprésente. Les herbiers type, Myriophylle, Elodée du Canada etc… sont des plantes dites oxygènantes. Elles sont immergées d'une exceptionnelle vigueur et contribuent à rendre l'eau limpide. Ce sont les plantes aquatiques les plus répandues en France et à ce titre une eau regorgeant de ces types d’herbiers sera toujours bien plus oxygénée et propice à la pêche qu’une eau lisse sans herbiers. Il convient de dire également que plus les eaux sont profondes plus il est possible de trouver des températures abyssales(abyssales me gène, c’est pour une profondeur qu’on l’utilise) plus fraîches qu’en surface et vice versa en hiver d’ailleurs. Le duo gagnant serait donc une eau profonde regorgeant d’herbiers. Je possède ce type d’eau dans ma région et j’ai même l’impression que plus il fait chaud, plus la pêche est productive. C’est un peu paradoxal mais bel et bien réaliste.

Petit bémol à prendre en compte pour les lacs peu profonds dévêtus d’arbres sur leurs pourtours et surexposés au vent. Dès que le vent se lèvera, ces eaux peu profondes se mélangeront très vite, pouvant déclencher une activité alimentaire forte et soudaine chez les carpes.
Un autre lieu que j’affectionne en été est bien entendu la rivière et plus particulièrement l’aval des barrages. Le brassage perpétuel des couches d’eau produit le même effet qu’un oxygénateur dans un aquarium. Ce mélange renouvelle en permanence les différentes couches les rendant très aérées. Ce spot, où le courant est très souvent soutenu, est idéal en été car beaucoup de poisson viennent prendre un bain de fraîcheur dans ces eaux tumultueuses. Les rivières et les fleuves sont en règle générale des lieux de premier choix pour les saisons chaudes. Les eaux courantes sont naturellement plus oxygénées que les eaux stagnantes c’est un phénomène physique évident.

Il y a aussi les grands lacs de barrages se trouvant en légère altitude et donc soumis à des réchauffement plus longs que leur confrères du niveau de la mer. Les températures hivernales jouent souvent les prolongations au printemps et décalent donc le réchauffement des couches d’eau. On se retrouve donc dans des lacs comme Cabanac, Maury ou encore les grandes étendues alpines avec des eaux ne dépassant qu’exceptionnellement les 22/23 degrés en plein mois d’Aout !
Pour finir il y a un type d’eau peu plébiscitée par les carpistes français qui fait mon bonheur depuis plusieurs années. Les petits canaux navigables ! Je m’adonne régulièrement à ce type de pêche très intime dans laquelle je trouve un plaisir fou. Le petit canal que je pratique est typique et il en existe des dizaines de la sorte en France. Large d’à peine 20 mètres et traversé sur toute sa longueur par d’énormes barges chargées toute la journée, ils sont propices à la pêche en été. Pourquoi ? et bien pour les mêmes raisons évoquées plus haut. Les eaux y sont brassées toute la journée à des fréquences parfois très soutenues et l’eau y est naturellement plus oxygénée. Les carpes sont également obligées de rester sur le fond sous peine de se faire « tailler un short » à la moindre bronzette qu’elles entreprendraient. Les postes aux abords des écluses sont excellents et tous les élargissements ou tous les endroits où la topographie change sont excellents. On y trouve parfois de vrais trésors dans la plupart du temps délaissés par les pêcheurs de tous horizons. La navigation est certes contraignante et il vaut mieux dans ces cas ne pêcher que la nuit.

Comment pêcher ?

Stratégiquement parlant je déconseillerais tout ce qui est ALT et amorçage massif lors des périodes les plus chaudes. De toute évidence lorsque les chaleurs écrasantes se sont installées les carpes ne seront pas très enclines à manger. Il faudra donc privilégier les pêches nocturnes, où les températures redescendent légèrement et surtout les premières heures du lever du jour. La pêche au spot prend ici tout son sens et il faudra trouver en journée des zones calmes, à l’ombre, sous des bois mort, ou parfois des fosses. Néanmoins le matin très tôt et la nuit les zones les moins profondes resteront des spots de premiers choix. Partant du principe que les poissons mangent peu il faudra mettre à l’eau le strict minimum juste de quoi séduire un poisson en fait.
Pour ma part j’affectionne tout particulièrement à cette période les pêches au method feeder, ou avec des éléments solubles lorsque je dois jeter du bord. L’activité des poissons blancs étant elle à son apogée, les pellets seront de bons alliés pour rassembler ceux-ci qui attireront, eux, les carpes. Lorsque j’ai la possibilité de tendre mes lignes en bateau, j’ai alors un gros faible pour un mélange chènevis-maïs doux. C’est en quelque sorte mon sauve-capot au même titre qu’en hiver d’ailleurs. Les noix tigrées sont également excellentes en cette période où ne l’oublions pas les écrevisses, crabes d’eau douce, tortues, silures et autres poissons chats sont eux en « pleine bourre ».
Si vous souhaitez néanmoins pêcher à la bouillette, je ne saurais que trop vous conseiller d’utiliser des présentations décollées. La couleur jaune a ma préférence et une pop up de 12 ou 10 mm sur un hameçon de 10 ou 8, présentée sur un lit de pellets deviendra très vite une arme ultime.

La période du stalking

Si il y a bien une période où l’on peut repérer les carpes sans trop se casser la tête c’est bien l’été. Sous les arbres, dans les obstacles, dans les herbiers ou encore sous un massif nid de lotus elles sont là, le dos à fleur de l’eau, baisant la surface à coup de bouche à bouche. C’est le moment de stalker. Cette pêche est fascinante et je ne connais aucune autre façon de pêcher la carpe permettant d’avoir autant d’adrénaline et de sensations. Voir un poisson saisir un morceau de pain en surface, ou encore voir son flotteur anglais se trémousser après une énorme fouille en bordure. C’est excitant à souhait et cette pêche venue une fois de plus d’outre manche apporte une nouvelle dimension au mot « sensation » !
J’affectionne dans ces cas plusieurs méthodes. Tenter de les faire descendre en amorçant de quelques poignées de pellets qui diffuseront verticalement, incitant les poissons à descendre sur le fond ou à vue avec un flotteur ou un simple morceau de pain flottant. J’ai eu d’excellents résultats en cette période en cernant précisément le tracé de ces carpes en maraude sous la surface. En présentant alors un montage appelé zig rig, consistant à escher un appât flottant sur un bas de ligne de parfois plus d’un mètre, j’ai souvent tiré mon épingle du jeu. Dans tous les cas l’élément principal sera sans doute la discrétion de l’approche. Il est évident que l’on ne viendra pas stalker avec un t-shirt blanc pétant et un plomb de 150 grammes alors que les carpes sont à seulement quelques pieds devant nous. Montages fins petits hameçons, petites esches (mini bouillettes, maïs doux ou ver de terre), fil détendus plaqués sur le fond seront des atouts importants pour espérer augmenter vos pulsations. Côté matériel il y a quelque chose dont je ne peux plus me passer et sans lequel je me sens démuni. Mes lunettes polarisantes ne me quittent plus dès que les beaux jours arrivent. Perché dans les arbres ou à l’aplomb de mon bateau, je ne compte plus les taches de sable, les herbiers, les obstacles ou autres spots et traces de grouinage décelés grâce à mes « pola ».


Il est évident que la pêche en pleine chaleur est assez compliquée, mais comme je vous l’ai dit dans l’introduction elle a bien changé et les dépressions nombreuses chaque été déclenchent souvent des frénésies alimentaires nous apportant notre lot de satisfaction. Dans tous les cas quel bonheur de dormir à la belle étoile, d’entendre les oiseaux à longueur de journée, d’admirer la nature dans son plus pur épanouissement. Et même si les touches se font parfois attendre, on est toujours bien mieux au bord de l’eau que chez soi, surtout à cette période.